Passager clandestin – Simenon – Loustal

Ce roman illustré embarque le lecteur pour Tahiti en même temps que l’intrigue accueille à bord d’un cargo un passager clandestin…

Cette édition enrichie des belles planches de Loustal dépayse totalement le lecteur en lui proposant un univers coloré à l’aquarelle et qui semble prendre vie sous le trait à l’encre de Chine.

Simenon est surtout connu pour sa prolifique carrière d’auteur de romans policiers.

Mais c’était aussi un grand bourlingueur : il a arpenté le globe terrestre de long en large et s’est inspiré de ses voyages pour camper des intrigues cosmopolites.

Si le lecteur garde pourtant davantage en mémoire les romans parisiens où le gris de l’imper de Maigret renvoie au gris du ciel bas de Paris, s’il se remémore aisément les histoires dont l’atmosphère provinciale est particulièrement bien décrite, certains romans comme celui-là, peut-être moins connus, offrent un changement de décor radical dans une explosion de couleurs, odeurs et sensations.

L’intrigue en quelques mots et sans trop en dire : le major Owen quitte Panama pour Papeete et s’aperçoit qu’un passager clandestin est caché à bord de son cargo L’Aramis. Il s’agit d’un personnage lancé sur les traces de René Maréchal, héritier d’un magnat du cinéma dont la fortune attise bien des convoitises…

L’intérêt de cette nouvelle édition est l’alliance géniale de la plume de Simenon et du pinceau de Loustal.

Connaissez-vous Loustal ?

Illustrateur et auteur de bandes dessinées, il aime particulièrement l’univers de Simenon avec lequel il partage le goût des voyages et dont il a déjà illustré de nombreux romans édités chez Omnibus.

« Passager clandestin » projette ainsi sur le papier un monde très vivant créé par Simenon et s’anime davantage encore sous le trait délié de Loustal, par le choix des couleurs vives et par le dessin des expressions du visage des personnages.

Ses illustrations ont quelque chose de cinématographique dans l’angle de vue et saisissent des situations dans l’instant, ou plantent un décor grâce à des éléments caractéristiques de l’époque et du lieu.

Dès la couverture, les dégradés de bleu fondent la mer et le ciel en un arrière-plan flattant l’oeil du lecteur, tandis que les cocotiers, la cabane du pêcheur et la vieille voiture autant que le cargo annoncent l’exotisme de l’intrigue.

Les premières planches en pleine page introduisent le lecteur dans le monde nocturne du port de Panama où mouillent de grands paquebots, puis l’embarquent à bord de l’Aramis pour la destination des Nouvelles-Hébrides après une escale prévue à Tahiti.

Le dessin de Loustal recrée à merveille l’ambiance des ponts, du bar ou des chambres du cargo.

Puis l’intrigue nous débarque à Papeete et c’est toute l’atmosphère coloniale qui s’échappe de ces pages, entre les notations descriptives de Simenon et les belles planches exotiques de Loustal : le lecteur croit sentir le parfum sucré de jasmin émanant des couronnes de fleurs blanches, ou bien celui des cigares, du whisky et du champagne de la guinguette au bord du lagon.

Les couleurs explosent dans une dominante de verts et de bleus constituant les paysage maritimes du lagon, sur fond de ciel azur et de végétation luxuriante, rehaussés des touches vives créant un tableau multicolore : la soie des drapeaux, le coton des robes et des paréos, la terre rouge accueillant les flamboyants.

Si vous aimez Simenon, cette édition vous fera plaisir par sa capacité à projeter l’univers de l’auteur dans un feu d’artifice de couleurs.