Cinéma·classique·littérature

Les Illusions perdues – Balzac

La leçon de Balzac adaptée à l’écran par Xavier Giannoli

Dans un monde où tout s’achète et où l’homme peut facilement livrer son âme aux démons du profit, qu’est-ce qui a encore de la valeur ?
C’est cette question que pose Balzac dans ce roman immense et si moderne…

Le voir au cinéma en 2021, adapté par Xavier Giannoli, est jubilatoire : le réalisateur, grand admirateur de Balzac, rend tout son éclat à ce classique que d’aucuns avaient jugé empoussiéré.
C’est tout le pouvoir du 7e art : offrir le meilleur d’un roman, l’animer de mille manières par l’image, la musique et le jeu des acteurs.

Malgré une adaptation qui renonce à tout représenter, le film parvient à saisir l’esprit balzacien et son génie, il rend hommage au grand auteur dont la puissance de réflexion et la virtuosité se font un chemin jusqu’à nous, des siècles après le temps de l’écriture.

Si vous ne connaissez pas cette histoire, voici ce qu’il faut savoir : deux jeunes hommes d’Angoulême, David Séchard et Lucien Chardon, aiment par-dessus tout la littérature. L’un tient l’imprimerie familiale d’une main de maître tandis que l’autre, épris de la comtesse de Bargeton, poète à ses heures et porté par une grande ambition littéraire, décide de tenter sa chance à la capitale où, sous le patronyme de Lucien de Rubempré, il se heurtera à la difficile réalité des cercles parisiens.

Le film ne choisit de suivre que le parcours de Lucien et fait la démonstration, comme dans tout récit d’apprentissage, que la réussite est un chemin cahoteux et qu’en s’approchant de ce qui brille de façon factice, le plus grand danger est de céder à la compromission, de s’éloigner de soi-même et de se vouer à la plus cuisante des désillusions.

Les Illusions perdues c’est le roman qui oppose le cynisme du matérialisme à la vertu et qui – au travers d’un personnage tiraillé entre ses ambitions et les lumières de la réussite facile – se gâche.

Dans un portrait saisissant du monde de l’édition, du journalisme et des coulisses de la création, Balzac démasque avec brio les acteurs de la comédie humaine.

Belle satire d’une certaine édition qui cherche avant tout ce qui se vend et se fiche bien de la littérature.

Jolie démonstration que la critique littéraire se fait et se défait à coup de sommes d’argent versées au plus offrant..

Cela donne au film quelques scènes savoureuses où les joutes verbales, l’esprit léger et tourbillonnant du propos tout comme la profondeur de la réflexion, impriment sur les lèvres du spectateur un sourire qu’il ne perd jamais, même si c’est parfois aux dépends du protagoniste auquel il s’attache aussi.

Loin de la superbe d’un Rastignac, Lucien garde pour lui une forme touchante de candeur et de sensibilité.

Dans ce monde obsédé par l’argent, qu’est-ce qu’il reste à sauver si ce n’est nos idéaux, ce en quoi nous croyons depuis toujours ?

« Et pourtant j’étais bon ! » s’exclame Lucien en regrettant ses maladresses qu’il est encore temps de rattraper…

Et c’est cette leçon de Balzac que je retiens : ne jamais renoncer à ce qui brille au fond de soi.

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