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La Carte postale – Anne Berest

Anne Berest se livre dans son tout dernier roman à une quête des origines et c’est à un grand voyage qu’elle convie le lecteur : de la Russie aux orangeraies de Palestine, de Paris à la Normandie, l’autrice reconstitue le parcours d’une famille juive tourmentée par l’antisémitisme qui enfle en Europe à partir des années 30.

La famille Rabinovitch suit ainsi le destin des millions de juifs pris dans la grande barbarie du XXe siècle qui, de la rafle du Vel d’Hiv à la déportation à Auschwitz, déploie son arsenal meurtrier et tragique.

🦋L’INTRIGUE

Quand en 2003, le personnage de Lélia reçoit une carte postale comportant 4 noms des membres déportés de sa famille, elle préfère la classer rapidement dans ses archives personnelles de peur de réveiller de trop douloureux souvenirs. Ce n’est que 16 années plus tard que sa fille Anne se décide à remonter le cours du temps.

Son enquête constitue la matière même du roman et offre dans la narration contemporaine un contrepoint intéressant, une distance nécessaire que les personnages noyés dans le tourbillon de la guerre n’avaient pas.

🦋CE QUE J’AI AIMÉ

Les qualités de ce récit sont indéniables : c’est une histoire poignante, une épopée familiale qui prend ses racines dans le réel et s’appuie sur un nombre considérables d’anecdotes véritables.

Le lecteur apprend ainsi de nombreux faits autour de cette époque trouble, des détails dont il ignorait la portée, des références multiples à l’environnement des protagonistes et puis il est plongé dans le questionnement d’Anne qui découvre tardivement sa judéité.

🦋CE QUI M’A MOINS PLU

Il m’a manqué un je ne sais quoi pendant cette lecture… quelque chose qui porterait l’histoire au-delà des faits, un peu de poésie, une atmosphère…

Le récit est parfaitement mené et c’est une gageure de reconstituer si longtemps après les trajectoires brisées des membres de sa famille.

Mais j’aurais aimé me sentir transportée par cette histoire comme l’a été l’autrice quand elle l’a écrite… Or l’évocation très factuelle qui a tendance à noyer le style – et dans la 2e partie le très grand nombre de dialogues – m’ont laissée à distance quand j’attendais que le genre du roman supplante celui du récit documentaire…

🦋CE QUE JE RETIENS

Il est cependant indéniable que les histoires personnelles et familiales liées à la Shoah doivent être racontées parce qu’elles permettent de ne rien oublier et de donner une autre forme d’existence à tous ces êtres dont le cours de la vie a été si brutalement dévié.

J’ai aussi été sensible au thème de la transmission : comment dans une famille dévastée par la déportation peut-on assumer sa judéité, comment la transmettre et que laisser à ses descendants, même à travers le non-dit ?

Cette question de l’appartenance à une communauté est essentielle ici et c’est cette dimension qui m’a permis de comprendre la démarche d’Anne Berest : au-delà d’un enjeu littéraire, ce roman est construit autour d’un enjeu mémoriel puisqu’il s’agit d’endosser une identité trop longtemps tue, de reconstituer des vies derrière des noms et des photos et de comprendre ce que signifie être « enfant de survivants ».

Publié chez Grasset

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