
Philippa. Prénom de l’autrice.
Prénom aussi de cette femme qui choisit de se rebaptiser Lili, protagoniste du récit que nous livre Philippa Motte.
Le lien entre elles ? Grand-mère et petite-fille, et ce n’est pas anodin si ce prénom est donné à nouveau dans cette famille, c’est une reconnaissance, une forme de réhabilitation… et quoi qu’il en soit une marque d’amour.
Cette histoire est celle de la grand-mère de l’autrice, une femme à l’esprit libre et indépendant, belle et farouche, née en Corse et qui subit de plein fouet la violence de la société des années 60 : les femmes n’y sont pas libres, on ne saurait vivre d’amour et de légèreté, on ne s’éprend pas d’un homme sans envisager le mariage, un peu de tenue !
A cette époque, il s’agit avant tout pour les familles de « trouver un mari » à leurs filles afin qu’elles accomplissent le projet de toute une vie : fonder un foyer, et surtout, taire les moindres aspirations personnelles…
Or le caractère de Lili est bien trop fougueux et passionné pour se plier à des règles qui entravent de façon aussi définitive sa liberté.
Mais c’est dans sa chair qu’elle saisit l’injustice de cette société qui cherche à étouffer ce qui lui semble inconvenant : l’avortement clandestin, s’il est décrié, n’en reste pas moins pour les familles une solution facile, il efface les traces des incartades amoureuses d’une jeune femme.
Première violence. C’est loin d’être la dernière…
Philippa n’en a pas fini de se rebeller… Et un certain jour de 1960, c’est son propre mari qui la conduit dans un asile psychiatrique alors que le lecteur a déjà compris que ce geste, loin d’être altruiste, constitue une grande commodité pour se débarrasser d’une femme incontrôlable. Ses velléités d’indépendance doivent être étouffées : il suffit de l’enfermer.
D’ailleurs, Philippa ne présente-t-elle pas tous les signes de la folie ? N’use-t-elle pas de violence à l’égard de ses propres enfants ?
Mais qui saura comprendre que derrière cette folie se dissimule tout autre chose ?
Et si son comportement était la marque des êtres qui souffrent parce que le monde n’est pas à leur mesure ?
Des lors, Philippa écrit dans son petit carnet les longs jours de sa captivité, ses rencontres lumineuses avec d’autres pensionnaires, ses souvenirs, ses désirs escamotés.
L’autrice Philippa Motte livre au lecteur un premier roman très personnel et qui en cherchant à réhabiliter une femme malmenée par la vie, résonne avec le sort de nombreuses femmes des années 60.
Un beau récit sur la transmission et les chemins tortueux qu’elle emprunte parfois.
Chez Stock