
Quelle est donc cette œuvre étonnante qui mélange les genres pour offrir un texte décalé, beau et déglingué, tant il nous confronte à des situations absurdes pour les pousser jusqu’à leur paroxysme…
C’est un roman inclassable, ne comptez pas sur moi pour le mettre dans une case : il n’y rentrerait pas.
C’est tout à la fois un conte noir qui se joue des codes du roman policier pour les mêler à ceux d’une comédie grinçante ; et un texte plus profond qui fait état de façon loufoque de la propension des hommes à céder à la violence, dans un contexte d’après-guerre qui a perturbé les esprits.
L’intrigue
Années 1950
Dans un petit village d’Angleterre nommé Middenshot, vit la famille Jarrow dont le père Herbert se qualifie lui-même de « vieux fou », adopte des comportements étranges, cultive le goût du morbide en se délectant des morts violentes qu’il découvre dans le journal.
Persuadé que depuis 17 longues années sa femme n’est plus de ce monde – alors qu’elle vit sous le même toit – il ne communique avec elle que lors de séances de spiritisme…
Leur fille Grace âgée d’une trentaine d’années en a pris son parti et tente de maintenir un semblant de vie normale dans la maison.
C’est sans compter le voisinage constitué du séduisant M. Holmes… mais surtout de l’asile tout proche, Broadmoor dont un pensionnaire s’est échappé…
Les crimes qu’il commet la nuit dans le petit village ravissent Herbert qui n’attend qu’une chose : se confronter au mal.
Mon avis
J’ai aimé le côté complètement décalé du roman, sa capacité à créer une ambiance unique, tissée dans la noirceur des âmes et imprégnée des éléments naturels, le vent, le brouillard et la neige.
Au-delà de son côté burlesque et grand-guignolesque, ce texte se fait l’écho des consciences perturbées de l’après-guerre… Et que sait-on de ces âmes irrémédiablement atteintes par un contexte terrifiant ?
Le roman offre ainsi une réflexion sur la violence, la folie, le meurtre, la guerre, l’euthanasie…
Certains propos sont justes et profonds, d’autres outranciers et odieux…
Mais doit-on les prendre au sérieux ?
Pas de vérité à trouver là me semble-t-il…
Plutôt l’acceptation que la bizarrerie est de notre monde…
« Je suis bizarre, un véritable démon parfois, mais je ne menace en rien votre sécurité. »
Se dégage de ces pages une certaine beauté morbide, un parfum du mal, à la façon dont Lautréamont le cultivait aussi…
D’ailleurs, certaines phrases m’ont fait penser aux Chants de Maldoror :
« Le monde est rongé de vers. Ils se sont glissés à l’intérieur de la terre pour en dévorer la force vive, et les hommes ne sont plus que des squelettes de faiblesse. D’affreuses pourritures. »
J’ai aimé aussi la plume parfois lyrique, parfois drolatique, et certaines trouvailles qui viennent égayer le propos. Quelques longueurs à regretter sur la fin… mais c’est un roman singulier, dans la droite ligne de ce que nous proposent toujours les Éditions du Typhon.
« Il faut des excentriques et des originaux sinon la vie serait affreusement monotone ».
S’il y a une leçon dans ce texte, c’est celle-là que j’emporte avec moi.
Aux éditions du Typhon