« Il n’est de chemin véritable qui ne passe d’abord par un déroutement. »

Berlin, automne 1935.
Herne Heimlicht s’apprête à fêter ses 40 ans lorsqu’il reçoit un faire-part de décès lui annonçant sa mort.
En quête de réponses à son émoi, il déambule dans les rues enneigées d’une ville en proie à la montée du nazisme et de l’antisémitisme, guidé par Le loup des steppes, figure romanesque d’Hermann Hesse. Le climat est délétère, des quartiers sont ghettoïsés, la milice veille.
Ses pérégrinations lui font croiser la route de personnages reclus dans leur solitude, ombres fuyant parmi les ombres et auxquelles seule la nuit accorde un peu de grâce.
Un lieu étrange est le point de convergence de tous ces personnages…
C’est le Morador, cabaret fantomatique aux allures de maison close qui échappe pour quelques temps encore à la morosité et offre à ses clients des distractions désespérées.
Il figure sur la liste noire de la milice parce qu’il abrite des femmes juives.
Mais il protège ces êtres dont le destin tragique se profile dans une ombre menaçante, il est leur dernier refuge même s’il semble n’être plus qu’un wagon fou, élancé vers la destination mortelle que le lecteur connaît.
Un soir, Herne surprend dans un miroir le reflet d’une femme sculptée par l’étoffe de sa robe noire. Il est subjugué.
Nada lui est apparue dans tout le sombre éclat de sa beauté. Il n’aura de cesse de découvrir qui elle est, de la rencontrer vraiment, de l’aimer peut-être et de trouver par son entremise les réponses aux questions qui l’assaillent.
Qui lit ce roman s’apprête à traverser le miroir pour pénétrer un monde fait de songes, d’obscurité et de mystère.
Je suis entrée dans ce texte en toute naïveté, seulement séduite par une couverture et un titre énigmatiques.
Je ne savais pas alors que la plume de Pierre Cendors, si profonde et poétique, aurait le pouvoir de me lier entièrement à ce roman, ni qu’il exercerait sur moi un charme violent : celui de consentir à tout abandonner pour n’être plus qu’une lectrice vibrante, une âme éperdue de beauté littéraire.
Je tiens cependant à mettre en garde le futur lecteur : on ne se remet pas facilement de ce genre de lecture ni de la découverte d’une telle plume.
Aveuglée par un éclat de beauté, éblouie de la lumière de ces mots, je n’ai qu’une hâte, me retrouver encore face à un texte si puissant.
Extraits :
« Vous ressemblez à quelqu’un qui a perdu le chemin de ce monde et ne cherche pas à le retrouver. »
« On a beau être riche de l’amour d’une femme aimée, celui-ci n’est rien si l’on n’a pas, une fois, veillé nocturnement sa solitude, ni fait face, jusqu’à l’aube, à son regard silencieusement fixé en nous , derrière ses paupières closes.»
« Immobile et froide est notre existence infinie, Astral et glacé notre rire éternel. »
Pierre Cendors est publié aux éditions du Tripode.
Vous pouvez consulter son blog personnel.