littérature·Rencontres

Anna Zerbib et la question de l’écriture

Écrire comme d’autres respirent… Avec évidence et grâce. Voilà ce que m’inspire l’écriture d’Anna qui a sorti son tout premier roman à la mi-mars, Les après-midis d’hiver.

Je lui ai posé quelques questions sur son rapport au texte parce qu’entendre une jeune auteure est toujours inspirant et qu’ici nous aimons nous pencher sur la singulière alchimie qui naît entre un être et les mots. Une nouvelle fois, elle s’est prêtée au jeu de l’interview. Merci à elle.

Quel est ton rapport à l’écriture ?

Le temps de l’écriture m’attire toujours, j’ai sans cesse envie d’y retourner. Mais quand j’écris j’ai aussi hâte que cela soit fini, l’écriture me prend beaucoup de temps, elle me tire souvent du présent. J’ai un rapport obsessionnel avec ellequand je suis sur un texte. Elle est source d’une grande intensité mais aussi d’inquiétude.

As-tu toujours écrit ?

Oui, dès l’enfance.

Écris-tu tous les jours ?

Non, c’est vraiment par période ! Quand je suis sur un projet, je ne quitte mon texte ni de jour ni de nuit. Parfois j’écris seulement mon journal, ou je note quelques mots dans un carnet. J’ai aussi de longs moments où je n’écris pas et où je laisse « infuser ». 

Comment construis-tu ton intrigue? Établis-tu un plan ?

Non, je n’ai jamais de plan préétabli, cela me bloquerait tout à fait. Par contre, j’en construis un à grandes lignes au fur et à mesure de l’écriture, à côté, pour me repérer. J’écris d’abord dans le désordre. L’écriture d’un texte commence par fragments pour moi, je les écris sans tenir compte de la chronologie, en parallèle je note sur un carnet une forme de structure qui m’aide à savoir où j’en suis. A la fin, je les assemble, je tente de les ordonner. J’ai aussi toujours un document avec des morceaux que j’hésite à garder.

Combien de temps a duré l’écriture de ton premier roman ?

C’est difficile de le dire, je pense que je l’ai écrit d’une traite pendant l’hiver, en 5 mois environ. Je croyais l’avoir bouclé. Puis, à l’arrivée de l’été, j’ai écrit pendant deux mois, dans un carnet, d’autres « morceaux » que j’ai finalement intégrés aussi dans le roman. Enfin, à l’automne, après avoir signé mon contrat d’édition, sur les conseils de mon éditrice, j’ai augmenté les passages consacrés au personnage de la mère, qui étaient très peu nombreux au départ. Tout cela assemblé, je pense que l’on peut dire moins d’un an.

Qu’est-ce qui selon toi donne du caractère à l’écriture ?

Je pense qu’il faut oser aller dans ce qui est étrange, même pour nous. Sans vraiment le chercher, mais plutôt en essayant de ne pas se censurer quand on se rend compte qu’on écrit quelque chose d’un peu particulier et qu’on ne maîtrise pas tout à fait. Quand j’écris, finalement, ce que je préfère, c’est ce qui m’étonne moi-même, ce qui est « bizarre ».

Quelles sont les écueils à éviter quand on écrit ?

Pour moi, il faudrait éviter de savoir exactement de quoi l’on veut parler, pour laisser au livre la possibilité de raconter plus que ce que nous avions prévu pour lui. Je pense que c’est quelque chose qui a trait à une forme d’humilité mais aussi de curiosité : rester ouvert à ce qui peut se produire et qu’on n’avait pas « pensé » à l’avance. Laisser le livre – et les lecteurs – penser par eux-mêmes. Éviter de vouloir tout contrôler, et tout expliquer.

Comment as-tu concilié l’écriture de ton roman et ton activité professionnelle ?

J’étais au Québec lors de l’écriture de ce livre et j’avais obtenu deux bourses de l’université, c’est une chance infinie. Cela m’a permis de me consacrer vraiment à ce projet. L’écriture est tellement une question de temps. Et d’espace bien sûr !

Quelles plumes classiques admires-tu ?

Le Flaubert de Madame Bovary, absolument. Le Victor Hugo des Contemplations, et, j’ai adoré les Lettres de Madame de Sévigné il y a quelques années.

De quels auteurs contemporains te sens-tu proche du point de vue du style ?

Annie Ernaux, bien sûr, et puis il y a quelques jours je viens de terminer le premier roman de Lola Lafon, dont je me suis sentie très proche. La plupart du temps ce ne sont pas des auteurs ou des autrices mais seulement des livres, qui font écho, ceux dont on se dit : « c’est ce que je voulais dire et je ne le savais pas ». Parmi ceux-là il y a eu pour moi, entre autres, Le grand marin, de Catherine Poulain, et La femme gauchère, de Peter Handke.

La chronique du roman d’Anna Zerbib est à retrouver sur mon blog, de même que le premier volet de cet interview

Chez Gallimard

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