
Qui sont les femmes de Heart Spring Mountain ?
Des femmes que le destin n’a pas épargnées et qui sont restées vaillantes dans l’adversité, cherchant dans leur petit coin du Vermont, là où coule la rivière et s’élève la montagne, là où vécurent des Abénakis, des motifs de croire qu’une vie pouvait s’établir malgré la folie des hommes.
Ici ont vécu plusieurs générations de femmes, ici ont aimé et souffert des êtres sensibles, ici des personnages ont trouvé dans la nature une alliée.
Et ces personnages sont bien plus complexes que leur vie dans les bois pourrait le laisser supposer.
Comment expliquer ce lien qu’ils entretiennent tous avec les éléments naturels ?
Quelle connaissance profonde de la nature ont-ils acquise, parfois oubliée et qui tôt ou tard vient les rattraper ?
Comment le fait de retrouver ce qui est enfoui dans les strates du passé peut-il bouleverser la vision intime que chacun se fait du monde ?
Ce que j’ai aimé dans ce livre, c’est la quête d’identité d’une jeune femme prénommée Vale qui à la suite de la disparition de sa mère lors de fortes inondations dans le Vermont, décide de laisser sa vie à la Nouvelle-Orléans pour se mettre à la recherche de celle qui l’a élevée seule.
Et ce n’est pas seulement sur les traces de sa mère qu’elle s’engage mais bien sur celles de son passé familial avec tous les secrets qu’il a à lui révéler.
J’ai aimé cette quête des origines, ce chemin difficile qui oblige à reconsidérer ce que l’on a toujours cru acquis et mène à des éléments insoupçonnés, à une profonde connaissance de soi.
On a pu lire ici ou là que le récit de la vie de ces femmes était difficile à suivre tant il emmêle les destins et superpose les générations dans des chapitres qui font fi de la chronologie.
Certes, j’ai parfois été perdue au fin fond du Vermont, ne sachant plus tout à fait qui était qui.
Et puis petit à petit, le brouillard s’est levé et il m’a semblé effectuer la même quête que Vale, commencée dans la plus grande nébulosité pour s’achever dans la plus belle des clartés.
Les personnages émergent tour à tour de cette brume et alors le dessin compliqué de leur vie paraît soudain évident.
J’ai aimé en particulier le personnage de Lena parce qu’il dit le mieux la relation intime que l’on peut avoir avec la nature et qu’il condense des sujets aussi essentiels que la quête de soi, l’amour et l’écriture. Sa petite chouette Ottie a achevé de me convaincre en plaçant le personnage au cœur des éléments et dans un lien profond et véritable avec eux.
J’ai trouvé enfin que malgré la gravité du propos sur les destins broyés et les catastrophes climatiques, l’écriture nerveuse, belle et optimiste de l’auteure parvenait à nous extirper du marasme de la vie pour se tenir résolument vers un avenir plus ouvert dans lequel les révélations du passé permettraient de mieux accepter le présent.
Un livre qui m’a séduite et dont la langue fluide a réussi à m’emporter dans des contrées verdoyantes et quelque peu sauvages où j’aime tant me promener aux côtés des êtres de papier.
Chez Albin Michel
