Le 17 janvier 2020, Pierre Lemaitre est venu à Strasbourg à la rencontre de ses nombreux lecteurs pour présenter son roman sorti en janvier 2020 : Miroir de nos peines.
Et comme toujours son humour et sa façon d’installer une atmosphère bon enfant le distinguent dans le paysage littéraire.
Je n’ai maintenant qu’une hâte, dévorer enfin Miroir de nos peines !
En attendant, voici quelques unes des phrases que Pierre Lemaitre a prononcées lors de la rencontre.
L’Exode est une époque si peu romanesque qu’elle a fait l’objet de très peu de romans.
C’est pourtant une période d’incandescence.
Mon hypothèse est que cela ne renvoyait pas à une image valorisante de ce que nous étions.
Si mon roman a du succès c’est que nous aurons pris assez de distance avec cette image peu glorieuse.
La construction du roman est plus compliquée qu’il n’y paraît.
La difficulté est d’avoir trois couloirs narratifs avec des personnages qui ne se connaissent pas mais vont se croiser.
Il faut que chaque personnage soit investi affectivement par les lecteurs.
Je suis contraint d’avoir de forts contrastes dans les situations et les lignes narratives pour que le roman soit émotionnellement fort.
Le contrat implicite avec le lecteur fait qu’on ne peut pas ouvrir une porte sans la refermer à la fin.
Pour décrire mes personnages j’ai toujours une photo que je découpe dans les journaux.
Pour un des personnages j’ai pris une photo de Michel Simon dans Le vieil homme et l’enfant comme modèle.
Pas pour Désiré qui est extravagant, insaisissable et burlesque, il n’avait pas de visage.
Sur les recherches historiques.
J’aime prendre l’événement historique de biais ou dans le rétroviseur (comme dans le cas de l’après guerre).
Je feuillette la documentation et je cherche ce qui me surprend et qui peut donc intéresser le lecteur.
L’événement doit avoir trois qualités :
il doit être méconnu, assez prometteur sur le plan romanesque, il doit dire quelque chose sur l’époque de façon métaphorique.
J’essaye de trouver un angle qui permet de comprendre la période.
La trilogie est terminée. Son unité est temporelle : entre les deux guerres.
Je travaille actuellement sur les années 50 mais ce ne sera pas le « 4e Tome de la trilogie ».
Je n’avais au départ aucune idée de ce que deviendrait le premier roman mais j’avais laissé quelques portes ouvertes.
Par intuition j’avais déjà placé quelques pions autour de Louise.
Pour la première fois, j’ai écrit des histoires d’amour dans ce roman.
Pour garder du rythme, il faut des chapitres assez courts, d’une douzaine de pages et une scansion romanesque qui consiste à frustrer le lecteur, à ne pas tout lui dire tout de suite.
Couleurs de l’incendie sera mis en film par Clovis Cornillac.
Les 11 millions de figurants et les chars qu’il faudrait pour adapter Miroir de nos peines rendent un film difficile.
18 mois d’écriture par roman.
J’essaie d’être un conteur.
J’entretiens ce clin d’œil en m’adressant au lecteur. C’est une affaire d’amitié avec le lecteur.
J’aimerais poursuivre cette photographie du siècle au moins jusqu’aux années 80.90
J’ai écrit mon premier livre à 56 ans. J’ai eu le prix Goncourt à 62 ans. C’est rassurant, tout est possible à tous les âges.
Là où il y a une volonté, il y a un chemin.
Chez Albin Michel