Le roman argentin de Agustina Bazterrica propose une réflexion profonde sur notre alimentation et sur le statut que nous accordons aux animaux dans notre société.
Buen provecho…
Vous aimez la viande saignante, la côte de bœuf et le tartare ?
Ou bien vous êtes plutôt vegan, vous vous préoccupez de la condition animale et du traitement des animaux dans les abattoirs ?
Quelle que soit votre position, ce roman ne vous laissera pas indifférent.
C’est un soufflet, une claque, un uppercut en pleine face que le lecteur se prend à la lecture !
Dans un monde qui a subi une Transition, alors qu’un virus a obligé les hommes à éliminer tous les animaux, il ne reste plus qu’une seule façon de manger des protéines animales : élever des hommes pour qu’ils deviennent des animaux comestibles.
Oui, vous avez bien lu : organiser le cannibalisme.
Dès lors, on élève des êtres destinés à la consommation.
Ils sont parqués dans des cages d’élevage et reproduits par insémination artificielle.
Les abattoirs suivent un processus particulier de mise à mort afin de ne pas gâcher leur viande, leur peau est ensuite tannée, les excréments réutilisés dans du compost. Rien ne se perd.
Les boucheries proposent « des pieds en barquette », « des langues, des pénis, des nez et des testicules », ou encore « des brochettes d’oreilles et de doigts ». On trouve aussi des « liqueurs avec des globes oculaires » et de « la langue en vinaigrette ».
Chez soi, à condition d’être équipé d’un grand frigo, on peut disposer de ce que l’on appelle par euphémisme « une tête de bétail», permettant d’avoir toujours sous la main de la viande fraîche.
On peut même partir à la chasse.
Marcos travaille dans un abattoir. Quand un jour on lui offre une femelle, il adopte un nouveau regard sur ce qui n’est plus seulement un animal d’élevage…
Cette dystopie est particulièrement impressionnante par sa capacité à transposer intégralement le traitement infligé aux animaux à des hommes et à considérer l’homme comme un objet de consommation, une proie désacralisée.
Plus d’une fois le lecteur ressent un profond malaise, un dégoût. Mais il poursuit sa lecture parce qu’il veut savoir jusqu’où l’auteure va bien pouvoir l’emmener.
Peut-on aimer un tel livre ?
Il est difficile de répondre par l’affirmative.
On n’aime pas forcément cette histoire effrayante mais on est subjugué par le talent de l’auteure.
Quand la littérature parvient à susciter une telle réflexion, quand l’auteure sait interroger avec brio notre alimentation et nos pratiques par le biais d’une fiction dystopique, il s’agit d’une réussite absolue.
Avec un véritable sens du suspense, ce roman nous embarque jusqu’à une fin surprenante dans un voyage cauchemardesque qui réserve bien des surprises.
Qui se sent d’attaque pour un tel plat ?
Extrait :
(⚠️ âmes sensibles s’abstenir)
«- Avez-vous déjà mangé un être vivant ?
⁃ Non.
⁃ Ça a une vibration, une chaleur douce et fragile qui le rend particulièrement délicieux. Mordre dans une vie C’est le plaisir de savoir que, par votre intention, par votre action, cet être a cessé d’exister. C’est sentir expirer doucement cet organisme complexe et précieux, et qui a d’ores et déjà commencé à faire partie de vous-même. Pour toujours. Ce miracle me fascine. C’est une possibilité d’union indissoluble. »
Chez Flammarion
On m’en a dit du bien à la bibliothèque mais d’une façon assez en retrait, particulière et vu le sujet je comprends. Je ne suis pas sûr qu’il soit pour moi : végétarienne, très sensible au bien être animal, j’hésite à entrer dans une telle histoire. La difficulté est toujours de distinguer le talent de l’auteur(e) de l’histoire qui peut être repoussante 🙂
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Je comprends très bien mais je pense qu’un végétarien y trouverait encore plus confirmation de ses convictions 😉
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