Possédé par la Chose, c’est l’expérience que vit le personnage du dernier roman de Julie Zeh, avant d’accéder à la vérité sur son passé.
Lorsque toutes les conditions sont réunies pour mener une vie heureuse – un mariage stable, de jeunes enfants, un travail d’éditeur plutôt intéressant – mais que des crises d’angoisse assaillent chaque moment de relâchement comme s’il ne fallait jamais baisser la garde, comme si quelque chose était tapi dans l’ombre de la conscience, près à surgir, nourri et renforcé par les états de doute, c’est le signe d’un dérèglement sérieux ou d’un profond mal être…
Henning, jeune père et mari menant une existence plutôt confortable à Göttingen, souffre de cet étrange mal qu’il nomme La Chose, comme si elle était dotée d’une existence à part entière, à la fois réelle et tangible dans ses effets, mais fantastique et fantasmée d’un point de vue extérieur.
Comment agir alors ?
Évacuer ce stress par une pratique intensive de sports divers ?
Consulter le cardiologue pour vérifier que le coeur n’est pas défaillant malgré ses emballements inquiétants ?
S’en ouvrir à sa compagne qui risque au mieux d’être démunie, au pire de tourner en ridicule ce qui pourrait passer pour une affabulation ?
Ou bien s’octroyer des vacances pour prendre de la distance avec cet état d’insécurité permanente ?
« La Chose n’a aucune raison d’être. Elle n’a rien à voir avec Henning. À part le fait qu’elle l’habite. Un animal, un parasite, un alien qui lui transpercera bientôt le ventre… À une autre époque, on aurait parlé de possession démoniaque – Henning aurait sans doute été exorcisé.»
Henning décide sur un coup de tête de réserver des billets pour Lanzarote, afin de passer les fêtes de fin d’année sur cette île attrayante avec sa famille et trouver un moment de répit.
Ce qu’il ignore, c’est qu’en cherchant à fuir il précipite la confrontation avec ses pires démons, que cette île des Canaries a bien des choses à lui apprendre et qu’elle pourrait bien lui jeter à la face le pire d’un passé enfoui, peut-être à l’origine de tous ses maux…
Très bien construit, ce roman de Julie Zeh tient le lecteur dans une tension psychologique permanente jusqu’à ce que la clé lui soit livrée, et fait preuve d’une certaine efficacité narrative en montrant combien les vieux démons du passé enfermés dans les boîtes solidement fermées n’ont de cesse de vouloir s’échapper et empoisonnent l’existence tant qu’ils n’ont pas été libérés.
J’aurais parfois aimé que certains passages soient développés, que la psychologie des personnages soit parfois plus fouillée et le style plus travaillé, mais ces réserves s’expliquent probablement par le fait que le point de vue principal adopté par le narrateur soit celui d’un enfant, dont les perceptions, si elles sont très fortes, sont forcément exprimées de façon plus simple.
Un bon roman de la littérature allemande à découvrir !
Chez Actes Sud