Rendre la nuit intelligible grâce aux souvenirs de l’avenir
De quels songes sommes-nous faits ? Quels rêves peuplent nos vies, confondant l’imaginaire et la réalité sans que la mémoire ne puisse ensuite les distinguer ?
Dans quelle dimension nos fantasmes et les chimères de l’esprit télescopent-ils nos faits et gestes du quotidien ?
Et surtout, que retenir du passé si ce n’est cette succession d’images plus ou moins réelles et qui défilent dans notre esprit en un patchwork d’impressions constituant nos souvenirs ?
Cet incroyable roman de Siri Hustvedt est un tissu dense de réflexions de l’auteur sur l’écriture, les possibles narratifs et la vie réelle, tissu qu’elle tente de recomposer à travers les réminiscences de sa jeunesse.
Il ne s’agit pas à proprement parler d’une autobiographie. Mais plutôt d’une sorte d’autoportrait fantasmé, celui de Siri à 62 ans écrivant sur la jeune femme de 24 ans qu’elle a été, apprentie romancière à New York : « elle s’imagine en train d’écrire son avenir. »
Dans un va-et-vient constant entre les époques, les récits, et les points de vue, le lecteur accède à des souvenirs enfouis dans les limbes de la mémoire de l’auteure auxquels viennent se superposer ses écrits, des extraits de journaux intimes, brouillons de roman, lettres ou encore retranscriptions des monologues hallucinés de sa voisine qu’elle entendait à travers la cloison.
Le magnifique titre de ce roman livre la clé de compréhension de son contenu : « j’ai toujours cru que mémoire imagination étaient une seule et même faculté. »
Siri Hustvedt revient avec un texte brillant, complexe et fouillé ; un texte qui cherche à explorer les méandres de la mémoire comme réceptacle de l’imaginaire.
Si vous aimez cette alliance du récit à une réflexion plus profonde, ce livre est pour vous !
Extraits :
Extraits :
« Nous sommes tous des créatures animées de désir, et nous désirons parfois rétrospectivement, pas seulement dans la perspective de l’avenir, reconstruisant ainsi la curieuse architecture déglinguée de la mémoire en structures plus habitables ».
« Et dans ce livre en particulier, ce livre que vous êtes en train de lire, la jeune personne et la personne âgée vivent côte à côte dans les vérités précaires de la mémoire. Ici, je suis libre de danser au-dessus des décennies dans le mince espace blanc entre les paragraphes, de m’attarder pendant des pages et des pages sur une seule minute marquante de ma vie ou de jouer avec le temps indiquant le recul ou l’avancée. Je suis libre de faire suivre le premier mois d’interruption du mois tardif parce que la vieille dame jouit d’une perspective dont la jeune personne ne peut pas disposer. Alors, je me rencontre sur la page, sur les pages qu’elle a écrites voici des années et sur celles que j’écris maintenant. »