Leave or remain : c’est la question qui se pose aux personnages du dernier roman de Jonathan Coe, Le cœur de l’Angleterre
Ouvrir le dernier roman de Jonathan Coe, c’est laisser s’échapper des personnages familiers, c’est retrouver après de longues années des êtres d’encre et de papier qui nous ont manqué sans que l’on s’en aperçoive, et ressentir la joie de grandes retrouvailles !
Quel plaisir, quelle émotion de prendre ainsi des nouvelles des protagonistes de Bienvenue au Club et du Cercle fermé : Benjamin, sa sœur Lois, son ami Doug… et Cicely Boyd…😍
Vous n’avez pas lu les deux tomes en question ?
Qu’à cela ne tienne, vous pouvez saisir au vol ce nouveau pan de l’histoire, tout en sachant que la jeunesse de ces personnages récurrents est le sujet des deux premiers romans qu’il vous sera toujours possible de lire plus tard, quand vous serez à votre tour profondément attaché à eux.
Dans ce 3e tome, nous retrouvons Ben et Doug aux abords de la cinquantaine.
Ben s’est retiré à la campagne et vit dans un ancien moulin dont le paysage alentours semble issu d’un tableau de Constable.
La génération suivante, à travers les enfants des personnages, est en âge de prendre en main le destin de l’Angleterre…
qui se trouve à un tournant de son histoire : le Brexit s’annonce !
Et Jonathan Coe de questionner l’identité anglaise.
Qu’est-ce qui la constitue ?
Qu’est-ce qui rassemble les citoyens britanniques sous le même étendard ? Quelles musiques, paysages, représentations culturelles et allégoriques définissent au mieux le concept d’ « Angleterre profonde » ?
Et finalement, en quoi cette identité serait-elle menacée par l’Union Européenne 🇪🇺 ?
A travers le séisme que représente le Brexit pour les citoyens britanniques, Jonathan Coe montre comment depuis les années 70, son pays a lentement évolué vers cette situation constituant un tournant de son histoire.
Son « état pitoyable » est parfaitement décrit : « grogne, fracture sociale, politique d’austérité dont on ne voyait pas le bout » et semble avoir mené le pays à prendre ce virage abrupt.
Il cherche également à montrer comment cette décision politique affecte déjà le quotidien des citoyens : peur de l’étranger, racisme, crainte de l’ouverture aux autres et finalement, divergence de la vision du monde…
En plaçant des personnages de sensibilités politiques différentes et de classes sociales variées dans cette situation inédite de devoir se prononcer sur leur appartenance ou non à l’Europe, il montre avec finesse et profondeur comment une fracture s’est établie entre eux.
Fin observateur de la société et de la politique de son pays, Jonathan Coe fait dans ce roman la chronique d’une Angleterre en plein marasme, acculée à des choix impossibles.
Ce roman est une ode vibrante d’amour à son pays l’Angleterre, malgré ses contradictions et malgré ses choix à la pertinence incertaine.
Mais c’est aussi et surtout un vrai bon roman anglais dont Coe a le secret : des personnages attachants, une fluidité dans la narration, une belle plume et quelques traits d’humour bien placés.
Jonathan Coe réussit un tour de force : poursuivre cette histoire des années 70 en plein Tatcherisme en la faisant évoluer de Blair à Cameron jusqu’au Brexit, finalement, comme il a évolué lui-même.
Une jolie façon de nous donner des nouvelles de personnages que nous aimons toujours autant.
Une jolie façon de nous raconter l’Angleterre.
Chez Gallimard
Encore jamais lu cet auteur. Amoureuse aussi de l’Angleterre, je commencerai sûrement par celui-ci !
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Oui il est tout à fait possible de commencer par celui-ci. Bonne lecture !
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