littérature

Anna Hope – La Salle de bal

Magnifique roman anglais sorti en poche…

« Parfois, lors de nuits tumultueuses comme celle-ci, avec le vent qui soufflait et la lande si proche, l’asile donnait l’impression d’être un endroit hors du temps, un endroit où les dieux antiques exerçaient encore leur empire… »

Dans le Yorkshire, l’asile de Sharston accueille les âmes en peine de toute la contrée, traînant derrière lui une réputation un peu effrayante.

« L’édifice ressemblait davantage à un château de conte de fées ou à un vaste manoir ».

Or si le roman prend des allures de conte dans le décor inquiétant de cet hôpital, le lecteur saisit rapidement qu’il ne sera pas question ici d’une réalité édulcorée : bien au contraire, rien ne lui est épargné de la difficile atmosphère de l’asile, entre abus médicaux, privations de liberté et soins inappropriés.

L’eugénisme est une idée à la mode, soutenue même par Winston Churchill en personne…

Sortir de cet hôpital dans toute son intégrité est un rêve que nourrissent sans grand espoir de nombreux pensionnaires.

Malgré ce contexte difficile, deux êtres saisis par la grâce se rencontrent, se rapprochent et trouvent chacun en l’autre un motif de sentir à nouveau le goût de la vie : Ella et John, invités à se rendre au bal du vendredi soir organisé par l’équipe médicale dans l’idée que la musique ait un effet positif sur les patients, sont attirés l’un par l’autre, d’abord sans y croire puis avec ardeur.

Ce sentiment naissant leur donnera suffisamment de force pour tenter d’envisager une vie à l’extérieur.

Mais comment des êtres privés de leurs décisions, de leur libre-arbitre et de leur liberté peuvent-ils échapper à leur terrible destin ?

Avec beaucoup de sensibilité, de justesse et d’émotion, Anna Hope plonge son lecteur dans le monde difficile d’un asile psychiatrique du début du XXe siècle, gouverné par des hommes qui ne semblent pas avoir une once de psychologie et tiennent souvent enfermés des êtres qui sont parfois simplement différents.

Le portrait fouillé des protagonistes révèle leur passé, leurs fêlures, leur sensibilité et nous apprend le contexte de leur enfermement,faisant la lumière sur les idées d’une époque assez peu éclairée en matière de traitement psychiatrique : à l’aube de la première guerre mondiale, on enferme les gens qui dérangent les bonnes mœurs…

Ainsi la jeune Ella a seulement brisé une vitre sur son lieu de travail, ayant ressenti le vif désir de voir le paysage alors qu’elle était enfermée depuis l’âge de 8 ans dans des conditions de travail difficiles… Elle sera aussitôt conduite à l’asile.

De même, son amie Clem, bien née, intelligente et cultivée, s’est retrouvée en ces lieux pour avoir refusé un mari imposé par sa famille. Qu’à cela ne tienne… Elle préfère encore être privée de liberté plutôt que de devoir subir le joug d’un mari qui se substituerait à l’autorité de son père…

Et John… de quelle tragédie son enfermement est-il la conséquence ?

Sa mélancolie vaut-elle la privation de liberté ?

Ces personnages réussiront-ils à tordre le destin, à recouvrer la liberté, à vivre simplement… ?

Un roman magnifique.

Il vient de sortir en poche chez Folio.

4 commentaires sur “Anna Hope – La Salle de bal

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