littérature

Âpre cœur – Jenny Zhang

Dans les marges de la société new-yorkaise : l’immigration chinoise

« Il n’y a pas d’artistes chinois aux États-Unis, tu le savais, ça, Annie ? C’est comme un humain qui dirait qu’il veut voler avec les faucons. Tu ne peux pas ! Tu n’es pas de la bonne espèce. »

Terrible constat fait par un personnage de ce roman et qui en dit long sur la difficile intégration des Chinois venus chercher la paix aux USA, pays de tous les possibles au bout de la route de l’exil, alors qu’ils sont précipités conjointement dans la misère.

Et pourtant, l’auteure Jenny Zhang, dont l’enfance se lit clairement à travers ce patchwork de portraits et de situations, est devenue une artiste en imposant un premier roman fort, extrêmement réaliste et cru aux lecteurs américains tout d’abord, et faisant par là même mentir un de ses personnages.

Le point de vue adopté est celui de différentes petites filles vivant à New York dans les années 90, installées tant bien que mal avec leurs familles dans des logements de fortune, partageant des espaces étroits, sales et insalubres, se nourrissant de si peu, et tentant de s’intégrer en réussissant à l’école ou en se faisant une place par leur détermination.

« Et on a dû vivre comme des animaux, entassés dans une pièce avec cinq matelas par terre. »

«On est devenus des voleurs de bas étage. On allait dans un supermarché, on ouvrait une boîte de nouilles et on glissait les sachets de sauce déshydratée en dans nos poches. »

Si les détails de leur quotidien sont livrés sans fard, et si leurs rêves semblent s’être envolés aussi vite que prolifèrent les punaises de lit, aucun regard misérabiliste n’est ici posé sur cette réalité.

« Tout ça pourquoi ? Pour venir ici en quête d’une belle vie ? Et vivre dans la crasse avec trois autres familles dans une pièce étouffante, c’est ça, la belle vie ? ».

Ce qui touche le lecteur et lui évite de prendre en pitié ces petits êtres en construction, c’est leur capacité à ne rien lâcher, à sentir une force inépuisable au fond d’eux-mêmes, comme galvanisés par l’adversité du haut de leurs 8 ou 12 ans.

Leur joie de vivre, tantôt encouragée, tantôt étouffée par leurs parents, insuffle une grande énergie au récit et fait de ce roman un témoignage exceptionnel de la réalité de l’immigration.

Attendez-vous à prendre une claque !!

Au salon du livre en mars 2019, c’était le coup de cœur conseillé par Juliette Picquier. Et elle sait de quoi elle parle.

Chez les éditions Picquier.

4 commentaires sur “Âpre cœur – Jenny Zhang

  1. Picquier publie souvent des choses intéressantes et originales… le résumé fait envie en tout cas, ainsi que la critique que tu en fais et les citations que tu y as glissé…
    J’aime beaucoup le design de ton blog, très poudré, raffiné 🙂

    Aimé par 1 personne

    1. Merci beaucoup pour ce message très agréable à lire !
      Oui les publications de Picquier sont toujours originales et recherchées. Un vrai voyage vers l’Asie, même si pour une fois ils ont dérogé à leur règle en publiant une auteure américaine (mais né en Chine) 😉

      Aimé par 1 personne

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