littérature

Une étincelle de vie – Jodi Picoult

L’avortement en question dans le tout dernier roman de Jodi Picoult, Une étincelle de vie

« Tous les bébés méritent-ils de naître ?

Toutes les femmes méritent-elles de pouvoir prendre des décisions quand il s’agit de leur corps ?

Dans quel diagramme de Venn ces deux questions se juxtaposent-elles ? »

Ces terribles interrogations sont au cœur du dernier roman de Jodi Picoult : si l’avortement n’est jamais un vrai choix, plutôt une nécessité, il suscite encore bien des débats et ce roman évite tout manichéisme en croisant des points de vues antagonistes.

Imaginez qu’une activiste anti-avortement, présente pour une manifestation devant une clinique du Mississippi envahie de pancartes proclamant que «l’IVG est un homicide », et ayant infiltré un service de soins, se retrouve enfermée sous la contrainte dans la même pièce que des jeunes femmes qui viennent de se faire avorter, entourées de leurs infirmières et de leurs médecins…

Imaginez leur conversation…

Serait-elle empreinte de haine ? De mutuelle incompréhension ? Ou au contraire de respect ?

Imaginez encore que ce qui oblige ces personnages à se tenir dans une si grande proximité soit plus terrible que leurs divergences de points de vue et que retranchés et blessés lors d’une prise d’otages, ils se retrouvent tous sous le joug d’un homme armé qui menace leur vie et a déjà fait plusieurs victimes…

Imaginez enfin que le négociateur appelé sur les lieux pour tenter de ramener à la raison le preneur d’otages découvre que sa propre fille et sa sœur sont enfermées dans cette même clinique…

Joy, Janine, Wren, Bex, Hugh et Louie sont ainsi plongés avec effroi dans des instants suspendus où tout peut basculer, créant pour le lecteur une très haute tension psychologique.

Si le choix de raconter l’histoire à rebours peut laisser dubitatif, cette remontée dans le temps depuis la fin de la prise d’otage jusqu’à son origine, traduit la volonté de l’auteure de mettre l’accent sur la psychologie des personnages, leurs histoires singulières et leurs motivations.

Ce procédé a cependant ses limites puisque la narration interne à chaque chapitre avance vers le dénouement alors que l’agencement des chapitres renvoie le lecteur vers le passé dans un mouvement paradoxal et déconcertant.

À l’heure où plusieurs états des USA remettent en question l’avortement et raccourcissent la durée légale pour en pratiquer un, ce roman parvient à traiter d’une façon remarquable un sujet hautement sensible, et la volonté de permettre à chaque personnage d’expliquer sa position donne au lecteur un éclairage saisissant sur les histoires intimes de chacun qu’il n’est pas possible de préjuger sans commettre d’erreur.

Dans un style fluide, sans fioritures et percutant, Jodi Picoult signe là un roman passionnant qui s’interroge sur le droit des femmes à disposer de leur corps, sur ce que représente moralement la vie d’un embryon puis d’un fœtus, et sur les choix que la loi peut parfois permettre ou empêcher face à la complexité des situations personnelles.

Extraits :

« Sachant qu’elle n’a pas les moyens d’élever un enfant, n’a-t-elle pas fait preuve d’altruisme en renonçant à la seule personne qui aurait pu l’aimer d’un amour inconditionnel ? »

«Que l’on croie ou non qu’un fœtus est un être humain, personne ne contestera qu’une femme adulte en est un. Et même si l’on attribue une valeur morale au fœtus, on ne peut lui accorder des droits à moins de les arracher, ces droits, à la femme qui l’abrite dans son ventre. Du coup, la question qui se pose n’est peut-être pas À quel moment un fœtus devient-il une personne ? Mais plutôt À quel moment une femme cesse-t-elle d’être une personne à part entière ? »

«Des guerrières, voilà ce qu’elles sont. Toutes sans exception. Chaque jour qui passe lui rappelle leur courage, leur détermination à surmonter les obstacles, la grâce tranquille avec laquelle elles endossent les problèmes. Ce qui est sûr, c’est qu’elles sont bien plus fortes que tous ces hommes politiques qui n’ont de cesse de vouloir rédiger des lois destinées à soumettre les femmes. »

« Les lignes que nous traçons bougent constamment : pas uniquement entre les pro-life et les pro-choice, mais pour chaque femme prise dans son individualité, en fonction des circonstances de la vie.

Les lois sont en noir et blanc. Les vies des femmes se parent de mille nuances de gris. »

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Chez Actes Sud

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