J’aime Arthur Rimbaud pour son âme bohème, pour sa liberté de ton et son sens de la provocation.
J’aime mettre mes pas dans ses semelles de vent, tenter de suivre avec lui la courbe des étoiles, écouter la rivière dont les haillons d’argent s’accrochent aux herbes folles, sentir l’onde sur ma peau, embrasser l’aube d’été et humer les senteurs des blés …
Du haut de ses 17 ans, ce poète nous dit que nous sommes libres, que nous sommes vivants, et que nous pouvons nous défaire des entraves qui nous lient parfois trop sérieusement à une morne réalité.
Alors, à toutes les âmes bohèmes, à tous les épris de liberté, et à tous les amoureux du monde sensible, j’envoie ce beau poème, et je suis prête à le déclamer pour mieux encore le faire entendre, ou à vous le murmurer pour qu’il vous berce de sa beauté…
Sensation
Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la nature, – heureux comme avec une femme.
Mars 1870
Les Cahiers de Douai
Extrait de l’édition Poésie Gallimard : Poésie, Une saison en enfer, Illuminations. Arthur Rimbaud. Préface de René Char.