littérature

J’ai couru vers le Nil – Alaa El Aswany

Roman de la révolution égyptienne de 2011, cette œuvre de fiction largement réaliste, concentre toute la détermination de l’Egypte éclairée, rassemble les témoignages édifiants des exactions d’un état répressif, et contient les milliers de graines prêtes à germer à nouveau.

Le Caire, place Tahrir, 2011

« Voici que ce peuple que l’on a toujours accusé de soumission et de lâcheté se soulève comme un géant pour renverser le dictateur qui l’a humilié pendant 30 ans. »

Qu’ont en commun une jeune professeure musulmane refusant le voile, un riche acteur copte à l’allure aristocratique, un général décidé à se tenir à l’écart du vice, deux étudiants en médecine, une présentatrice de télévision ambitieuse, et un cheikh prêchant la bonne parole ?

Représentant chacun un pan de la société égyptienne, leurs destinées se croisent dans la révolution de 2011, entrent en collision et font basculer l’équilibre du pays, maintenu par la répression, la corruption et l’hypocrisie religieuse.

Alors que les manifestations pour renverser Hosni Moubarak prennent forme, enflent et soulèvent le peuple dans un élan épique plein de foi en l’avenir et en la démocratie, chacun trouve sa place dans la révolution, soit pour soutenir l’Etat, soit pour gonfler les rangs improvisés de la foule en colère.

Si certains personnages tiennent des propos effrayants, persuadés par exemple que les manifestations et les grèves sont « des instruments de sédition introduits par les juifs et les francs-maçons pour mettre en pièces la nation islamique », d’autres vivent cette révolution comme le moment où tout prend sens dans leur vie, enfin débarrassés des préjugés et des faux-semblants.

Par des dialogues captivants et une structure croisant habilement les fils narratifs, Alaa El Aswany propose dans ce roman une fine analyse de la situation de son pays qui prend conscience que la liberté est un droit et ne saurait être soluble dans un état répressif : le soulèvement du peuple qui aura le dénouement tragique que l’on connaît, s’incarne ici dans des personnages attachants, de générations et de religions différentes, emmenés par une jeunesse pleine de vie.

La plume souvent ironique, de même que des situations absurdes et choquantes décrites avec un réalisme effrayant, font de Alaa El Aswani un porte-parole de talent des revendications du peuple égyptien.

Alaa El Aswani a annoncé récemment qu’il était poursuivi en justice par l’Egypte pour « insulte contre le chef de l’État et incitation contre le régime ».

Incroyable pouvoir de la littérature ! Oui un roman est capable de déranger et d’inquiéter très sérieusement les responsables au pouvoir lorsqu’il met en scène des crimes d’état, des scènes d’outrages physiques et de torture, des assassinats en pleine rue et des massacres de masse…

La révolution égyptienne a été avortée… mais l’auteur signe là une semi-fiction qui fait trembler les tyrans et traduit la vitalité d’un peuple pourtant oppressé !
Sa liberté, qu’il prend malgré toutes les menaces, est dans l’acte d’écrire qui devient un acte engagé.

« Si mon crime est d’exprimer ouvertement mes pensées, j’en suis fier. Ce que vous considérez comme un crime est considéré comme un devoir de l’écrivain et de son honneur, et je continuerai à le commettre jusqu’à la fin de sa vie »

écrit-il à l’adresse du procureur militaire, sur le site de la radio allemande Deutsche Welle arabic (DW) où il publie des chroniques (source France Info). Article France Info À lire aussi : article du Monde

Son roman est interdit dans tous les pays arabes sauf la Tunisie, le Maroc et le Liban.
En France nous avons la chance d’être libres de le lire : saisissons-là !

Chez Actes Sud


Extrait :


« J’ai couru vers le Nil. Les grenades lacrymogènes remplissaient l’atmosphère et moi je pleurais, je ne sais pas si c’était à cause du gaz ou à cause du jeune qui était mort, ou à cause de moi, ou si c’était pour tout ça à la fois. »

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