littérature

Questions à Jessica Nelson, membre du jury permanent du Prix de la Closerie des Lilas

Jessica Nelson est romancière et critique littéraire. Elle a co-fondé le Prix de la Closerie des Lilas et a accepté de répondre à mes questions. Un grand merci à elle !

Pouvez-vous nous rappeler comment est né ce prix original, et quels buts il s’était fixés à sa naissance ?

Le prix est né d’un constat : une sous-représentation de la littérature écrite par des femmes primée dans les grands prix d’automne, et un large monopole des professionnels de l’édition dans la constitution des jurys. Nous avons souhaité à la fois célébrer les plumes des romancières et nous entourer de personnalités, dans le jury, venant de tous horizons, aux jugements très libres, aux regards nouveaux. Découvrir de nouveaux talents fait aussi partie de nos objectifs.

En quoi ce prix est-il absolument féminin ?

Parce que seules des femmes constituent le jury, et seules des femmes peuvent le recevoir. Mais nous aimons beaucoup les hommes, il ne faut pas s’y tromper ! Il est absolument féminin car nous travaillons très sérieusement et avec beaucoup de légèreté à la fois. Il est très féminin parce que le jour de la délibération, après avoir voté, une question flotte dans l’air : que porter pour le soir de la remise ? Plus sérieusement, je crois qu’au fil des années on ne peut pas dire que ce prix soit résolument féminin : il est à l’image du groupe de femmes qui composent son noyau et de la Closerie qui est comme un écrin. C’est un prix élégant, amical, joyeux. 

Quel est votre rôle particulier au sein de ce prix ?

Tout comme mes amies Carole, Tatiana, Emmanuelle, Stéphanie et Adélaïde : lire beaucoup, suivre nos coups de coeur. Depuis 2-3 ans, Josyane Savigneau et Anne Nivat ont rejoint notre comité de sélection.

Pouvez-vous évoquer la particularité du jury ?

Comme il est ‘tournant’ pour partie, chaque année est différente. Nous découvrons de nouvelles personnalités. Nous avons de nouveaux dilemmes – comme par exemple, un livre magnifique mais très pointu peut-il correspondre à notre public ? En bref, on ne s’ennuie jamais…

Comment choisissez-vous les différents titres de la sélection ?

Je crois que chacune a des critères très personnels. Mais d’une manière générale, nous nous rejoignons sur l’envie de trouver une musique dans l’écriture, une exigence, et d’être emmenées ailleurs…

Pour quelles lauréates avez-vous un attachement particulier ?

J’ai beaucoup aimé Alice Zéniter et Julia Kerninon – deux jeunes femmes qui ont un talent fou, et qui ne font que le confirmer au fil des livres et des années.

Quels titres des différentes sélections vous avaient fait vibrer ?

Chaque année nous avons des emballements, aussi c’est difficile de répondre à cette question ! Je dirai que s’il y a un livre qui m’a fait vibrer, cela a été le roman de Lola Lafon, sur Nadia Comaneci. Le début de ce roman ressemble à la performance de la gymnaste aux JO de Montreal de 1979 : c’est un exercice de haute voltige époustouflant, qui procure des sensations fortes en même temps qu’une admiration intense face à l’esthétique de ce que l’on regarde/ lit.

Pourriez-vous caractériser la littérature féminine et ce « je ne sais quoi » qu’elle apporte indubitablement ?

Je ne pense pas qu’il y ait une littérature féminine. Je pense qu’il y a une littérature écrite par les femmes et qu’il faut la mettre en valeur autant que celle écrite par celle de ces Messieurs. Mais on y vient !

Selon vous, quelles réflexions sur le monde les femmes sont-elles susceptibles d’apporter à la littérature ?

Certains sujets peuvent en effet être plus « féminins » (corps, maternité, etc.) et mis en scène de façon sans doute plus ‘vraie’ – encore que la littérature permet tout, un homme peut absolument se glisser avec beaucoup de naturel dans ces sujets. Finalement l’écrivain est peut-être comme un acteur : s’il a une sensibilité pour un personnage, une thématique, il va s’y fondre et il en ressort un jeu avec le spectateur/lecteur…

Pensez-vous que la littérature peut faire bouger les lignes et éclairer les consciences sur la place de la femme dans la société ?

C’est le rôle des écrivains que de faire bouger les lignes, qu’ils soient hommes ou femmes, que l’on parle de la condition des femmes comme celle des migrants, des enfants, etc.

Que pensez-vous du débat actuel sur la féminisation des noms ?

Personnellement, mais ici je ne parle vraiment pas au nom du jury Closerie, je trouve qu’il y a des débats plus importants… et cela ne me choque pas de dire « un écrivain » pour une femme. J’ai du mal avec « auteure », sans parler de l’écriture inclusive qui est une fantaisie dont j’espère qu’on reviendra vite ; mais je peux comprendre que l’on se pose ces questions.

À noter :

Une deuxième sélection de 4 romans de femmes parus à la rentrée de janvier a été établie par le jury, sous la présidence de Leïla Slimani. Le Prix sera remis le mardi 16 avril 2019 à 20h00.

La deuxième liste de l’édition 2019

Bénédicte Belpois, Suiza (Gallimard)
Sarah Chiche, Les enténébrés (Seuil)
Elisabeth Filhol, Doggerland (P.O.L)
Constance Joly, Le matin est un tigre (Flammarion)

À lire aussi :

Le Prix de la Closerie des Lilas

Vous pouvez consulter le site du Prix de la Closerie des Lilas :

http://www.prixcloseriedeslilas.fr/

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