littérature·Sélection Grand Prix des Lectrices Elle 2019

Entretien avec Franck Bouysse : Né d’aucune femme

J’ai eu la chance de rencontrer Franck Bouysse lors d’une rencontre organisée à Strasbourg par la librairie @quaidesbrumes en mars 2019

J’ai voulu garder de ce moment quelques bribes des propos de l’auteur, et voici mes notes dont vous voudrez bien excuser l’aspect parcellaire 😁

Je n’ai pas encore lu le roman qu’il vient de proposer à ses lecteurs… et pourtant je pressens qu’il me plaira : il comporte des ingrédients romanesques qui m’attirent irrésistiblement…

Au moment de la dédicace de son roman Glaise, alors que je lui disais ne pas avoir encore lu Né d’aucune femme, Franck Bouysse m’a simplement dit : vous risquez d’être emportée par Rose comme elle m’a emportée, elle va vous bouleverser.

Sélectionné par le jury Elle, son roman me tend les bras…

Voici mes notes.

C’est la lecture qui m’a amené à l’écriture.

La littérature c’est l’affaire de ma vie.

Ma grand-mère m’achetait des bouquins et j’ai lu L’Iliade et l’Odyssée, Les enfants du capitaine Grant, Sherlock Holmes, L’île au trésor… au moment d’une grippe.

Depuis, il n’y a pas une journée sans que je ne lise ou n’écrive.

Je veux bien qu’on me raconte Le petit Poucet mais avec une voix particulière.

L’ENFANCE

Je n’écris que là dessus.

Une graine est semée pendant l’enfance et un jour, il se passe quelque chose qui crée une étincelle, quelque chose qu’on a travaillé en souvenir resurgit.

Nos souvenirs libèrent le passé.

Je puise dans ce grand sac d’émotions de l’enfance, je recompose à partir de cela.

Je viens de la terre, des grands espaces.

Je suis un autodidacte.

J’ai fait des études agricoles, puis de biologie végétale et j’ai été prof.

Chez moi, il y avait Balzac tout en haut de l’étagère… Ma mère lisait Troyat mais ça ne m’intéressait pas… et j’allais fouiner dans les libraires pour découvrir Baudelaire, Melville, etc.

Je viens de l’aventure, de Dickens, je ne lis pas de polar même si on m’inscrit parfois dans ce genre.

J’ai un rapport instinctif et charnel avec l’écriture.

Je ne sais pas trop ce que je suis, alors j’écris.

Lorsque que je décris un paysage, je suis dedans, je m’absente et avec tout ce qui m’a construit, cette porosité de la littérature me permet d’écrire.

Je suis de tous les pays et de tous les continents.

Je me suis confronté à des gens qui parlent peu.

Ce que j’ai voulu faire avec ces quatre livres liés chacun une saison, c’est créer une musique, une conversation, avec des silences, des malentendus…

Je ne supporte pas en tant que lecteur que l’on m’explique tout.

Je fais confiance à l’imagination du lecteur.

Je peins un tableau, et j’y mets des ombres.

Quand j’écris ce livre, j’écris la 1e phrase et je tire un fil. Je ne sais pas où je vais.

Les deux premiers chapitres sont très importants : on fait un pacte, il faut rentrer dans cette musique.

Quand j’écris, je vis des choses, je balance l’histoire dans une grande frénésie mais ensuite j’ai l’exigence de la musicalité, et tout se retravaille.

J’ai un goût pour le secret, le mystère, et j’aime perdre le lecteur.

Pour ma grand mère paternelle, les contes étaient très importants.

Ça ressort à un moment où à un autre.

C’est une histoire à contre-courant de ce qu’on lit aujourd’hui : le romanesque, une histoire de fiction, totalement inventée, loin de l’auto fiction.

La forêt de mon enfance où j’allais pêcher, avec un monastère, des sous-terrains… a créé un carambolage avec un fait divers d’un père qui avait vendu sa fille.

Et Rose m’a raconté son histoire.

L’écriture est la musique de la survie de Rose.

Tous les romans évoquent une sorte de rédemption par l’art : Joseph dans Glaise, Rose qui apprivoise les mots…

C’est lié au milieu de la terre : il faut fabriquer quelque chose, c’est pourquoi aussi j’écris sur des cahiers.

Quand je commence le livre, je suis traversé par une émotion.

Dans la scène inaugurale je vois le personnage du père s’éloigner… J’y suis.

Le personnage arrive en premier, le paysage ensuite.

Grossir le ciel est en cours d’adaptation au cinéma mais je n’y participe absolument pas.

Un scénario ne s’écrit pas comme un roman.

Je me place du côté du renoncement.

Les dialogues c’est ce qui est le plus difficile à écrire, je m’enregistre pour les écrire.

Il faut que ça parle.

J’écris sur des cahiers, je tape , j’imprime et je réécris : 9 versions pour ce roman.

Je me raconte le livre au fur et à mesure.

La couverture du livre pour moi dans cette photo contemporaine, c’est Rose, en pietà.

Rose a grandi au fur et à mesure que j’écrivais, son langage change.

J’ai comme appris à écrire de la main gauche avec Rose.

C’est un livre sur le sang, il faut que la lignée continue coûte que coûte.

J’ai voulu contrarier cette verticalité des générations.

C’est un thème cher à mon auteur de prédilection : Faulkner.

Ce livre est un hommage et donne la parole à des gens qui ne l’auront jamais. Il restera un peu ces livres là qui raconteront un peu mon père, ma grand mère … et il restera leur dignité. Cela permet de transmettre quelque chose.

Je considère un livre comme toujours inachevé. Ça n’est jamais fini mais l’inachèvement du livre est une passerelle vers le suivant.

Je m’arrête quand je suis au bord de l’épuisement.

Je quitte un roman et je me remets dans un autre.

Je suis en train d’écrire un livre à partir d’une vision de l’enfance.

LE TITRE

Shakespeare m’a un peu aidé.

Dans Macbeth, la prophétie dit qu’il ne peut être tué par un homme né d’aucune femme.

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