Aux sources antiques pour dire le monde d’aujourd’hui
Fulgurance de la douleur qui traverse le corps et l’âme de part en part et transforme une femme en statue de sel, sidérée, figée, pétrifiée.
Médée est sculptrice, habituée à pétrir la terre, donner forme et vie au bois, au marbre et à l’acier, dont elle caresse les textures et le grain, habitée depuis toujours par l’Art.
Mais quelle forme donner à la souffrance lorsqu’elle vous transperce, vous déchire intimement, vous brûle et vous anéantit ?
« Elle est cette femme de sel qui assiste impuissante à sa propre métamorphose, attentive elle retient le plus infime battement de cils, la douleur se tient là (…) »
Lorsqu’elle comprend que son mari la quitte pour une autre et l’a abandonnée avant de prendre un vol pour Sydney, Médée erre des heures et des jours dans un aéroport, comme vidée d’elle-même, comme une ombre que plus personne ne semble pouvoir atteindre.
Au beau milieu de ce no woman’s land, elle retrace ses années passées auprès de l’être aimé dans une difficile archéologie de l’amour.
« En partant ainsi, sans un mot, cet homme m’a rendue étrangère à 30 ans de ma vie. »
Et, lorsqu’elle croise la route d’une autre femme, habitée comme elle par la souffrance, mais debout et vaillante, elle comprend que la douleur est aussi un matériau à modeler, à apprivoiser d’abord, puis à pétrir pour ériger la plus monumentale des œuvres, celle qui dira qui elle est profondément, celle qui ralliera autour d’elle, qui recréera les liens perdus, et lui fera retrouver le sens de sa vie.
Dans un récit moderne qui puise aux sources antiques pour chanter la douleur universelle des êtres humains, Yasmine Chami convoque les figures mythologiques qui deviennent le socle d’une nouvelle histoire.
Ici Médée perd sa dimension magique et effrayante pour gagner en humanité et dire combien la maternité fait sens dans la vie d’une femme, et à quel point l’art est salvateur.
L’écriture de Yasmine Chami est à la fois précise et ciselée, belle et fluide, et donne à son récit une forme intemporelle.
Si la magie est présente dans cette œuvre, c’est celle de l’écriture, envoûtante.
Chez Actes Sud
Moonpalaace 