
Comment évoquer la maladie dans un roman, sans tomber dans le pathos ?
Ce sont ces questions qui m’ont traversé l’esprit au début de ma lecture et qui constituent selon moi des écueils difficiles à contourner.
Je ne connaissais pas Pete Fromm et j’avoue avoir été conquise par sa façon d’aborder un sujet aussi délicat que la sclérose en plaques.
Ce roman c’est avant tout une immense histoire d’amour, de celles qu’on n’oublie pas, qui sont solides comme le roc et que rien ne peut venir entamer.
Les deux personnages Mad et Dalt sont deux héros des temps modernes, d’une aisance incomparable sur les rapides qu’ils descendent en raft dans toute l’éclatante santé de leur jeunesse.
Quand la maladie vient frapper leur destin jusqu’alors radieux, leur amour constitue un rempart imprenable contre ses assauts répétés, alors qu’elle progresse, lentement mais avec ténacité, et irréversiblement.
Pour évoquer la maladie, Pete Fromm file longuement la métaphore du flot dans lequel on est emporté et qu’il faut savoir dominer pour ne pas se noyer : les flots sombres et solitaires de la maladie expriment très clairement toutes les difficultés auxquelles Mad fait face.
La vision métaphorique élève le sujet à une dimension poétique et apporte une respiration nécessaire au lecteur.
Pour autant, la gravité du sujet n’est pas écartée : en de telles circonstances, de nombreuses questions sont posées, celles du regard des autres, de l’image que l’on a de soi-même quand le corps est diminué, du couple et de l’avenir, de la maternité, de l’amitié, de la sexualité, du quotidien…
La beauté de ce roman tient à la force des personnages qui refusent de céder au désespoir et au fatalisme, et envisagent leur chemin comme une remontée à contre-courant.
Le lecteur suit au plus près l’évolution de Mad, sans chercher à la plaindre puisque jamais elle ne se l’autorise, mais dans une grande empathie avec elle.
C’est un roman fort, une leçon de vie et de courage, et la démonstration que face à l’adversité, l’amour et l’autodérision sont des barrières qui permettent de reprendre sa respiration avant de continuer la lutte.
C’est un roman fort, une leçon de vie et de courage, et la démonstration que face à l’adversité, l’amour et l’autodérision sont des barrières qui permettent de reprendre sa respiration avant de continuer la lutte.
EXTRAITS :
« Aussi inexorable qu’une rivière, cette saloperie ne ralentit que quand elle le veut, ces segments plus calmes où les déclivités se stabilisent, les eaux lisses où l’on reprend son souffle entre deux rapides, surpris d’être encore vivant. »
« Tu sais ce que je déteste le plus, dans ta maladie ? Pas les spasmes, ni les crampes, ni les vertiges ou la fatigue. (…) Ce que je déteste le plus, c’est ça. Le fait qu’elle te donne l’impression d’être diminuée. »
« Prise dans l’affreux tourbillon du temps, je tournoie sans cesse, sachant qu’aucun sac de sauvetage ne pourra m’atteindre, qu’aucune vague solitaire ne viendra me délivrer du piège. »
« – C’est ton désir le plus ardent ? Me prendre dans tes bras pour franchir quelque chose ? (…) – Oh que oui. Pour franchir tous les obstacles.
Chez Gallmeister