
Au moment de la mort de Morty Lear, génial créateur d’albums et auteur de romans, « figure révérée dans le milieu de la littérature jeunesse », c’est à Tomasina son assistante qu’il revient de gérer tous les biens qu’il lui a laissés, à la surprise de tous.
Certes, Tommy a vécu les dernières années chez Morty, et semble le connaître parfaitement…
Mais « comment pourrait-elle avoir la moindre idée de ce qu’il
faut faire de ce legs superbe, prolifique et matériellement fragile de son
patron ? », s’interroge la conservatrice d’un musée désireuse de récupérer des
dessins promis par l’auteur ?
Quelles décisions doit-elle prendre concernant la création d’une fondation pour
financer un foyer pour garçons fugueurs ?
Et que faire du projet bien engagé d’un film à partir de la vie de Morty, alors
que l’acteur principal se fait de plus en plus insistant pour la rencontrer et
s’installer chez l’auteur défunt ? Il souhaiterait en effet incarner au mieux à
l’écran l’artiste avec lequel il avait longuement correspond et endosser un
rôle « tel un costume magistralement taillé. Un rôle sur mesure. Un moi aussi
captivant et riche en destinations diverses qu’un pays entier »…
Le roman très dense de Julia Glass est passionnant : il interroge sur la
création, la démarche artistique de toute une vie, et en plongeant Tomasina au
cœur de décisions cruciales, il montre toute la difficulté à faire respecter
une œuvre d’art après la disparition de son créateur.
Les origines de la création sont subtilement analysées : devient-on artiste
pour chercher à refermer une blessure d’enfance ? Pour évacuer un traumatisme
dont on ne se défait pas facilement ?
La galerie de portraits des personnages évoluant autour de Tomasina pour
recevoir une parcelle du créateur qu’ils estiment due – dessin ou souvenir –
rappelle qu’un bon roman est surtout fait de personnalités complexes dont les
relations difficiles ou délicates constituent l’écheveau à partir duquel il est
intéressant pour un écrivain de raconter une histoire.
L’éditeur précise que Julia Glass s’est inspirée de la vie de Maurice Sendak,
auteur de Max et les Maximonstres
pour créer le personnage de Mort Lear, et en effet, de nettes similitudes
existent entre les deux biographies.
Cet aspect ajoute encore de l’intérêt pour le lecteur : à partir d’un matériau
réaliste, comment l’auteure parvient-t-elle à recréer une œuvre d’art, et
comment la mise en abyme permet-elle de donner un écho encore plus puissant à
la réflexion sur l’art et la création ?
Réponse magistrale de Julia Glass dont la plume déliée et riche emporte assez
rapidement le lecteur…