littérature·Rencontres

Rencontre avec Laurent Gaudé

Le 14 janvier 2019, à la librairie Kléber de Strasbourg, au moment de la sortie du roman Salina, les trois exils

Je vous confie mes notes saisies lors de la rencontre avec Laurent Gaudé pour partager un peu de la magie de cet instant.
Ce fut un fabuleux dialogue avec un auteur très agréable et accessible, un aède du XXIe siècle…

Le voyage est un thème riche du point de vue dramaturgique.
Quand on parle de déplacement, de voyage, d’errance… on questionne le sentiment d’appartenance, de tolérance, d’accueil.
On n’est jamais loin du récit initiatique.

Sur l’engagement :
Eldorado témoigne de mon envie de raconter ma colère.
On est dans une période de l’histoire crispée vis à vis de la question de l’accueil et dans une sur-représentation du moi qui va à l’encontre de la littérature.

Quand vous lisez un roman étranger, il y a pourtant des points communs entre vous et les personnages.

Sur la vengeance :
On a en nous toute la gamme des sentiments, des plus nobles aux plus vils.
La littérature est là pour « lâcher les chevaux » et Salina expérimente la vengeance.

C’est une leçon que j’ai gardée de la fréquentation des textes antiques : chez Aristote, le héros doit être fautif pour être à l’origine d’une empathie du lecteur.
Il est important que Salina se venge de façon monstrueuse, comme Médée.
Peu importe qu’elle ait tort ou raison.

Salina aborde la question de la vengeance et de comment on en sort.
La tragédie grecque répond avec l’apparition d’un tiers.
Dans Salina, pour sortir du conflit, le vainqueur doit accepter de perdre quelques chose, pour éviter de planter les germes du conflit de demain.
Et si le vainqueur avait l’intelligence suprême de céder un peu ?
Il est important que le vaincu reçoive un don du vainqueur.

La fréquentation de l’histoire peut permettre de se constituer personnellement une petite boussole.

La résistance s’apprend, il faut fréquenter ces idées-là.

Sur l’île cimetière de Salina à qui il faut raconter l’histoire du défunt pour être accueilli :

Ce cimetière est réservé aux morts qui viennent de loin, c’est une ville ouverte aux récits venus de loin.
Le récit est fondamental, proposer des histoires est fondamental.
Le fils de Salina doit mettre en mots la vie de sa mère : Malaka est un petit double [de moi] qui se pose des questions d’écriture.

Le désir d’écriture vient répondre au désir de sortir du néant des vies oubliées.
La littérature est une consolation face au néant.

Sur le cri omniprésent dans Salina :

J’aime bien les sensations qui contiennent des choses contradictoires : le cri contient la douleur, le souffle de vie, la naissance, l’appétit…
Crier c’est encore être en vie.

Les sensations c’est mon territoire.
J’aime écrire à hauteur d’homme et n’avoir à disposition que la gamme des sensations que traversent les personnages.
Le sensisitif nous permet de nous rapprocher de l’univers, et de parler de nous.

Pour Malaka, on sent que la fin est ouverte : sa vie ne sera plus impactée par les conflits de la génération précédente.

Salina est un personnage accidenté, très dur et d’une solitude complète.
Sa vie de douleur lui a fait comprendre beaucoup de choses.

La transmission est une des aventures les plus passionnantes de la vie.
Elle se joue de mille manières, elle échappe parfois aux hommes qui transmettent sans le savoir.
C’est présent dans mes livres : c’est le sujet du Soleil des Scorta.

Mes parents étaient psychanalystes.

On peut lire pour le divertissement mais on recherche surtout le moment où le livre vous apprend quelque chose et vous change.

Je suis très sensible à la poésie des noms, je prends l’avion pour aller voir des lieux dont les noms suscitent une curiosité.
Par exemple, pendant très longtemps je n’ai pas aimé croquer dans une orange et puis j’ai lu Conversation en Sicile de Vittorini dans lequel le narrateur rencontre un petit vendeur d’oranges qui se plaint de ses oranges amères. Et je me suis mis à manger des oranges !

Il faut avoir confiance en la capacité des romans à faire le chemin.

Chez Actes Sud.

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