Être englué dans une région où l’avenir est incertain, ne pas parvenir à échapper à sa condition, à son milieu social, comme si tout était déjà tracé…

On sent chez les personnages de Nicolas Mathieu une volonté farouche de trouver sa place dans un monde où tout semble pourtant déjà joué d’avance.
Sur 8 années, le narrateur retrace le parcours de quelques adolescents d’une petite ville de Lorraine, désœuvrés, cédant aux tentations faciles de la drogue, du sexe, de l’appât du gain, faisant s’entrecroiser les destins de personnages qui n’ont parfois en commun que le fait d’appartenir à cette même région.
Si je m’attendais à être littéralement transportée par ce roman dont la fin m’a laissée insatisfaite, j’ai en revanche été totalement séduite par la capacité de l’auteur a rendre compte de la réalité des années 90 dans ses moindres détails et avec une vraisemblance qui force l’admiration.
J’ai également été conquise par la plume de l’auteur, mélange maîtrisé de langage cru pour exprimer la violence des rapports humains, et d’une belle syntaxe aux articulations déliées.
Lors d’une rencontre avec ses lecteurs à Strasbourg, Nicolas Mathieu s’exprimait en ces termes :
Le style est une vraie réussite : manier la langue de Proust en la truffant de mots crus pour faire corps avec la réalité.
Il y a un peu de Céline dans ce style, tout comme il y a du Zola dans la démarche…
Quoi qu’il en soit, c’est novateur et cela dépoussière la littérature.
Je salue le choix des membres du Goncourt qui n’ont pas hésité à couronner une œuvre dont le réalisme et la crudité auraient pu les rendre plus timorés…
Et (pardon mais…) je ris sous cape de savoir que ce roman se trouvera souvent sous le sapin, déposé parfois par des personnes qui sans l’avoir lu feront confiance à la mention Goncourt, et offriront ce qu’ils n’auraient peut-être jamais osé offrir en toute conscience : une belle tranche de réalisme, assortie de violence et servie par un langage très cru.
Mais c’est très bien ainsi.
Extraits :
« Le paradis était perdu pour de bon, la révolution n’aurait pas lieu ; il ne restait plus qu’à faire du bruit. »
« Il voulait bien que cette vallée soit exiguë, renfrognée, consanguine, mais c’était tout de même abusé. »
Chez Actes Sud