Simone Veil et ses sœurs, un témoignage poignant

Lorsque l’on a connu l’horreur des camps de concentration, transmettre son expérience aux « gens du dehors » qui ne sont pas habités par « des visions de l’enfer, la brume, les marais, les miradors, le froid atroce l’hiver, le soleil aveuglant l’été », est une entreprise extrêmement difficile.
Raconter est parfois impossible. De même que se faire entendre…
Alors Dominique Missika tente de donner corps à ces souvenirs, notamment ceux de Denise, sœur aînée de Simone Veil, née Jacob, en s’intéressant à sa famille composée de quatre enfants et installée à Nice.
Elle nous plonge ainsi au cœur de la tourmente, depuis 1943 où les Alpes Maritimes sont occupées par les nazis, jusqu’au dénouement tragique de la Shoah.
Le lecteur suit l’engagement de Denise dans la Résistance puis son arrestation, et la déportation d’un grande partie de la famille.
Au retour des camps, comment retrouver sa place dans un entourage décimé, comment s’exprimer sans brutaliser l’interlocuteur par le récit de l’horreur, comment raconter aux familles de ceux qui ne reviendront pas les derniers mois de leur vie, « la pluie glacée, la faim, les camps, les cris des kapos, les ordres beuglés, la pelle sous la neige, les chiens des SS » ?
Comment ne pas se sentir coupable d’être resté en vie alors que l’on ne se sent ni plus fort ni plus courageux ?
J’ai trouvé ce document fort et poignant.
Il fait de la famille de Simone Veil le porte-parole des atrocités de la déportation.
Il soulève la difficulté de recueillir les témoignages de ceux qui ont connu le mal absolu alors que la société à tendance à balayer leurs souvenirs d’un « Oubliez c’est du passé ! » .
Le plus choquant au retour des déportés, et je l’ignorais, c’est cette distinction établie à l’époque entre déportés pour résistance et déportés juifs.
Les uns sont promis à une gloire légitime, ils se sont battus et ont défendu leur patrie ; alors que les autres se seraient laissé faire… Quelle perspective tout à fait ahurissante !
« Il y a parmi eux une hiérarchie souterraine, non dite, les résistants en haut de l’échelle des honneurs, et les autres, les Juifs, en bas, laissés sur le bas-côté des hommages de la patrie. »
Comment alors se faire entendre quand on est un déporté juif comme Simone et que la société vous trouve moins intéressant qu’une résistante comme Denise ?
Comment raconter ce que personne ne peut entendre ?
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Ce témoignage met en évidence les blessures profondes des deux sœurs survivantes qui jusqu’au bout Inséparables n’auront de cesse que de se battre pour les Droits de l’Homme, d’entretenir le devoir de mémoire et de porter dans leur cœur leurs chers disparus.
Chez Seuil.