
SORCIÈRE !
Ce mot souvent proche d’une insulte ou brandi comme un épouvantail pour susciter la peur rassemble peut-être finalement des êtres beaucoup moins effrayants qu’il n’y paraît ou que la société – essentiellement masculine – a bien voulu nous le faire croire pendant des siècles.
Et si ces sorcières n’étaient en fait que des femmes dont on aurait voulu se débarrasser parce qu’elles n’étaient pas conformes aux normes sociales ?
Et si ces femmes, souvent savantes, maîtrisant l’art de soigner, d’accompagner les femmes qui accouchent ou qui passent à trépas, capables d’empathie, mais surtout libres, décidant parfois de vivre seules – quelle horreur, sans homme !? – et n’envisageant pas la maternité comme un épanouissement personnel, avaient été montrées du doigt par des hommes que cette liberté gênait, avaient été jetées en pâture à la vindicte populaire dans le but de retourner contre elles ce pouvoir ?
C’est tout le propos de Mona Chollet dans ce livre édifiant qui remonte à la Renaissance, époque des grandes chasses aux sorcières, pour démontrer que les femmes ont été soumises plus que de raison au joug d’une certaine autorité masculine qui les a assassinées en masse sur de grands bûchers en espérant les voir pénétrer les Enfers et rejoindre Satan de qui elles auraient tenu leur savoir.
Le livre est très dense, fait état de nombreuses anecdotes, et envisage également notre époque qui dans une certaine mesure réhabilite les sorcières à travers des séries ou des romans comme Harry Potter, jusqu’au mouvement Witch qui se réclame de cette descendance dans un élan féministe visible sur Instagram.
Ces anecdotes incroyables, si savamment cousues entre elles se lisent comme un roman accessible et passionnant.
En voici quelques extraits choisis :
« L’Allemagne et la Suisse étaient l’épicentre des chasses aux sorcières au XVIe siècle. »
« Le balai est associé à un symbole phallique et traduit la volonté d’une liberté sexuelle. »
« Répondre à un voisin, parler haut, avoir un fort caractère ou une sexualité un peu trop libre, être une gêneuse d’une quelconque manière suffisait à vous mettre en danger. »
« Des siècles de haine et d’obscurantisme semblent avoir culminé dans ce déchaînement de violence, né d’une peur devant la place grandissante que les femmes occupaient alors dans l’espace social. »
C’est passionnant, à chaque page le lecteur est interloqué !
Je vous conseille vivement cette lecture.
Vous sentez-vous l’âme d’une sorcière ?
Aux éditions de la Découverte