Les bas-fonds de Paris

« L’Humanité avançait, rapide, sans concession, et les plus faibles se désagrégeaient telle la chevelure d’une comète en traçant une éphémère route de poussière que l’on nomme traînée.»
Âmes sensibles s’abstenir, pourrait-on conseiller à priori…
Je dirais plutôt, ne passez pas trop vite votre chemin… vous manqueriez des pages d’une très grande sensibilité malgré un sujet difficile, d’une poésie certaine qui éclôt comme les fleurs sauvages sur un champ de bataille face à la dimension prosaïque, crue et parfois choquante du quotidien de la rue, et d’un sens du romanesque abouti…
Dans ce premier roman, Tom-Louis Teboul propose au lecteur une complète immersion dans les bas-fonds parisiens en s’intéressant de près au peuple des vagabonds qui hantent les rues de Paris, cherchent un abri pour la nuit sous les ponts, dans les arrières cours ou les métros, et ne nous épargne rien, ni des détails de leur misère, ni des odeurs ni de leurs habitudes alcoolisées…
L’auteur nous embarque dans une histoire rocambolesque aux côtés des « invisibles » malmenés par la vie, qui tentent de survivre dans
«les égouts du monde » et le lecteur s’attache petit à petit à ces héros déclassés, ces « vies déposées », à « ceux qui s’enfonçaient chaque jour davantage dans le goudron happant des rues et qui, un jour ou l’autre, disparaîtraient totalement sans que nul ne les voie ».
C’est que l’auteur imprime à son sujet une sorte de grâce, parvient à évoquer sans apitoiement, misérabilisme ni leçon de morale ces êtres qui ont rompu le fil, et fait d’eux par la magie de sa fine plume des clochards célestes auxquels il reste beaucoup plus qu’une once d’humanité…
On croise ainsi le chemin d’un trio improbable installé à la Goutte d’or, composé d’Ilmiya, une jeune toxico rom faisant des passes à 20€, de Jul et Ernst ses compagnons de fortune, qui tentent de remonter la piste d’un chow-chow égaré dans la jungle parisienne, dans le but de toucher une récompense qui les sortirait, croient-ils, de cette misère crasse et leur ouvrirait la porte du rêve à défaut d’un avenir radieux.
Bravo à Tom-Louis Teboul pour ces pages pleines d’humanité qui traitent un sujet difficile avec la distance drolatique nécessaire en même temps qu’il fait preuve d’une empathie remarquable pour ces oubliés de la société.
Merci à l’auteur pour son envoi.
Aux éditions du Seuil