Quand le quotidien est insoutenable, les enfants ont la capacité extraordinaire de réinventer le réel, de construire un monde qui leur permette de continuer à vivre…
Ainsi, la jeune narratrice de 11 ans dont la vie familiale est une terrible épreuve chaque jour, trouve des échappatoires pour fuir cette réalité.
Pour preuve cette idée tout droit sortie de la tête d’une petite fille : envisager de construire une machine à remonter le temps pour pouvoir reprendre le cours de sa vie avant l’accident traumatisant qui a détruit intérieurement son petit frère…
Et croire que sa vie dans l’intervalle ne serait qu’un brouillon destiné à disparaître…
Tout au long du récit, la réalité est perçue à travers le prisme de l’enfance et le regard enfantin se pose sur chaque chose de façon très fine et crédible.
Le merveilleux de l’enfance peuple ces pages, comme une autre tentative de transformer le réel : ainsi, les plis de la vallée sont l’empreinte d’une griffe de dragon, et les animaux occupent une place prépondérante dans le récit.
La hyène empaillée est capable de prendre possession du corps de son petit frère alors que la vermine lui dévore le cerveau, la mère est une amibe, ses semblables une faune un peu effrayante…
Mais la pire bête qui soit, c’est celle qui vient renifler sa peur, tout près d’elle qui se cache dans la forêt pour échapper à une chasse à l’homme dont elle est la proie.
Et la meilleure réussite de l’auteure, c’est de créer en réponse à cette agression perpétuelle une nouvelle bête métaphorique, celle qui se réveille un jour dans son ventre, celle qui la fait se dépasser, refuser la domination, l’humiliation et la maltraitante, la bête que l’on aimerait voir jaillir des tripes de toutes les filles et femmes abusées : une créature incarnant la rébellion, la force que nous avons tous en nous et qui assure notre survie.
Alors même si j’ai trouvé le rythme des premières pages un peu mou, même si le style me semblait inégal, j’ai été emportée à mon tour par cette petite héroïne dont la force de résilience fait un bien fou.
Moonpalaace 