Les hauts faits d’une défunte

Ce roman a le souffle d’une légende antique, la force et la beauté d’une geste rapportant les hauts faits d’une défunte, Salina « la femme salée par les pleurs », s’inscrivant dans la lignée des héroïnes tragiques, et louée dans un ultime récit par son fils Malaka.
Le propos métaphorique et la langue poétique confèrent à ce texte une dimension universelle, à tel point qu’il semble issu de la nuit des temps et vient délivrer une vérité édifiante, comme les contes en ont le pouvoir.
On y croise des personnages archétypaux, tels Darzagar «s’appuyant sur son long bâton de bois », « le ventre presque entièrement recouvert par sa barbe », ou Koura Kumba né en 9 jours du ventre de la colère…
La géographie est celle d’une Afrique merveilleuse : le lecteur aimerait accéder à une île « cerclée d’une muraille », espace sacré accueillant un cimetière auquel il faut s’adresser, raconter son histoire, pour être enterré ; ou bien est témoin qu’un mont disparaît sous les charges de fervents guerriers puis réapparaît en mausolée.
Malaka fils de Salina, charrie dans l’histoire qu’il déroule devant un public ébahi, tout un monde de pierre, de soleil et de poussière, se faisant le maillon d’une « longue chaîne de voix », pour raconter sa mère, ses trois exils, le destin épique qui l’a menée du statut d’enfant abandonnée aux hyènes à celui de mère comblée.
Mais quel prix terrible a-t-il fallu payer pour calmer la colère de Salina dont les larmes salées avaient trop tôt mouillé la terre ?
C’est bref, intense, puissant.
C’est du Gaudé.
C’est magnifique.
Êtes-vous prêts pour une nouvelle passion fulgurante ?
Morceaux choisis :
« Il est seul dans un monde qu’il ignore. Et il essaie de se souvenir de sa voix à elle, Salina, sa voix cassée, qui lui a si souvent raconté les histoires de l’origine, qui a si souvent charrié dans ses récits les combats, les guerres, sa voix qui l’enveloppait dans les nuits d’étoiles, lorsqu’ils n’étaient que deux, sa voix qui s’est maintenant retirée du monde, comme une mer lassée du sable. »
« … le rythme du désert. La rosée sur les pierres, les heures blanches du grand midi, la fraîcheur du soir, et le royaume immense des étoiles, elle ne connaît plus que cela ».
Chez Actes Sud