littérature

Interview de Clélia Renucci – Concours pour le Paradis

Ayant eu le grand privilège de lire en avant-première le roman de Clélia Renucci, et passionnée depuis toujours par la Sérénissime, j’ai souhaité en savoir plus sur la façon dont l’auteure avait travaillé.
Clélia m’a fait le plaisir de se prêter au jeu de l’interview et ses réponses sont passionnantes…

Quel est ton lien avec l’Italie et en particulier Venise ? Es-tu italienne ?
Renucci est un nom corse, mais j’aime l’Italie depuis toujours.

Il existe de nombreuses toiles de maîtres vénitiens. Tu as choisi la plus monumentale. Comment le tableau le Paradis est-il entré dans ta vie et comment expliquer cette fascination ?
C’est un désir qui date de mon premier voyage à Venise. Dans la salle du Grand Conseil du Palais des Doges, j’ai été fascinée par cette toile mal éclairée que personne ne regarde.

Les analyses picturales sont fines dans le roman. As-tu fait des études d’histoire de l’art ou bien es-tu naturellement portée vers l’art ?
Dès ma première dissertation de lettres, en hypokhâgne, je me souviens d’avoir comparé les trois « Adoration des mages » de Lippi, Botticelli et Leonard de Vinci pour répondre à une question sur le style. On peut dire que l’art est une passion depuis toujours.
Pour la rédaction de mon roman, j’ai pris des cours de peinture à la tempera (technique qui précède l’invention de la peinture à l’huile) à la New York Academy of Art pour m’approprier les techniques de l’époque.

Dans les remerciements, tu évoques les conservateurs et bibliothécaires de différents musées. Sur quels types de documents t’es-tu appuyée ?
J’ai eu accès grâce à Jean Habert, commissaire de l’exposition « Le Paradis de Tintoret » au musée du Louvre en 2006, aux archives de l’exposition. Les conservateurs que j’ai rencontré ont été extraordinairement disponibles pour me faciliter l’accès aux sources, aussi bien au musée des Beaux Arts de Lille qu’au Metropolitan Museum à New York.

Quels renseignements t’ont fourni la fréquentation de la bibliothèque Marciana à Venise, face au Palais des Doges ?
J’y ai vu des manuscrits, des incunables. Au moment où j’y étais, il y avait à la galerie de l’Académie une exposition sur l’humaniste Aldo Manuce, l’imprimeur, typographe et libraire qui a créé le caractère italique et inventé le format d’ouvrages in-octavo, plus petit et maniable. Tout cela m’a permis de visualiser l’aspect des documents officiels à l’époque, et de m’imprégner de l’atmosphère de Venise à la Renaissance.

Comment as-tu procédé pour restituer si précisément la chronologie de la création de la toile ?
J’ai besoin de visualiser ce sur quoi je vais écrire, donc j’ai construit une frise chronologique avec des codes couleur pour distinguer les époques et les peintres, affichée et enrichie pendant toute la rédaction de mon roman sur le mur qui fait face à mon bureau.

Le caractère des personnages est-il de la pure fiction ?
Comme nous connaissons la vie de Platon ou d’Aristote grâce aux portraits de Diogène Laërce, je me suis imprégnée des écrits de Vasari et du poète L’Arétin qui chroniquent au quotidien leurs œuvres. Ces textes ont été augmentés et repris au XVIIe siècle par Carlo Ridolfi.


De façon générale, quelle est la part de fiction dans ton œuvre ?
J’ai essayé d’être au plus près du vrai et surtout de ne pas changer les noms pour que le lecteur puisse augmenter encore sa lecture en faisant des recherches sur tel ou tel personnage.


De nombreuses anecdotes émaillent le récit et le rendent très vivant. Sont-elles toutes véridiques ?
Pour donner quelques exemples, quand je raconte que Montaigne a visité Venise, c’est bien vrai. Tout ce que je raconte sur la paillardise et la violence du carnaval au XVIe siècle est absolument authentique. Les anecdotes concernant la rivalité entre Véronèse et Tintoret sont exactes…

As-tu beaucoup déambulé dans Venise pour décrire son atmosphère si particulière ou bien l’as-tu fait de mémoire ?
J’y ai passé à sept ou huit reprises des semaines et des semaines merveilleuses. Et pour écrire, j’avais toujours devant moi le plan de Venise réalisé par Jacopo de Barbari au XVIe siècle sur laquelle je traçais les itinéraires de mes personnages.


Quel est ton endroit préféré dans Venise ?
J’aime plus que tout le trajet qui mène du campo San Samuele à la maison de Véronèse, au numéro 3338 de la salizada San Samuele.


Quel lieu insolite as-tu découvert au gré de tes recherches sur la Sérénissime ?
La maison de Tintoret est le lieu le plus insolite que j’ai pu visiter. Située au nord de Venise, dans le quartier du Cannaregio, près du ghetto, à l’angle du ponte dei mori et de la fondamenta dei mori. La description est dans le roman…
L’église de la Madonna dell’Orto, à deux pas de la maison, est sublime aussi. Entièrement peinte par Tintoret et dans laquelle on admire, au dessus de sa tombe, la présentation de la Vierge au Temple, seule toile dans laquelle il a représenté sa fille enfant.

Quelle anecdote réelle et contenue dans ton roman retiens-tu particulièrement ?
La présentation des toiles au jury.

Quelle œuvre littéraire ou documentaire sur Venise conseillerais-tu aux amoureux de la cité lacustre ?
Le mien bien sûr ! Mais sinon, un roman qui se passe un peu après, au XVIIIe siècle, Les Amours d’Odon et Fulvia d’Edith Wharton publié chez Flammarion.

Merci infiniment Clélia pour ces réponses si riches qui raviront les amoureux de Venise, de l’art et de la littérature.

A lire Chez Albin Michel.

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